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  1. excerpt: L'arrêt *Tele2* rendu ce mercredi 21 décembre 2016 par la Cour de justice de l'Union européenne constitue une avancée remarquable pour le combat mené par les Exégètes amateurs et de nombreuses associations en Europe contre la conservation généralisée des données de connexion. Il occupera une place décisive dans l'affaire engagée devant le Conseil d'État français.
  2. ---
  3. pub_date: 2016-12-21
  4. ---
  5. comments:
  6. true
  7. tags:
  8. - rétentionDesDonnées
  9. - CEtat
  10. - CJUE
  11. ---
  12. title: Arrêt Tele2 : la conservation généralisée des données est interdite en Europe
  13. ---
  14. body:
  15. **L’[arrêt *Tele2 Sverige
  16. AB*](http://curia.europa.eu/juris/document/document.jsf;jsessionid=9ea7d2dc30d52719d5fbc6b54cd0a9bea76fe611b947.e34KaxiLc3qMb40Rch0SaxyKbx10?text=&docid=186492&pageIndex=0&doclang=FR&mode=req&dir=&occ=first&part=1&cid=570156)
  17. rendu ce mercredi 21 décembre 2016 par la Cour de justice de l’Union
  18. européenne constitue une avancée remarquable pour le combat mené par les
  19. Exégètes amateurs et de nombreuses associations en Europe contre la
  20. conservation généralisée des données de connexion. Il occupera une place
  21. décisive dans [l’affaire engagée devant le Conseil
  22. d’État](https://exegetes.eu.org/dossiers/abrogationretention.html) par
  23. La Quadrature du Net, la Fédération FDN et FDN.**
  24. L’arrêt *Tele2* rendu aujourd’hui réaffirme avec force et sans ambiguité
  25. la jurisprudence *Digital Rights Ireland*. Par cet arrêt du 8 avril
  26. 2014, la Cour de justice de l’UE avait invalidé la directive 2006/24 qui
  27. imposait aux opérateurs Internet et télécoms la conservation des données
  28. de trafic[^1] de la totalité des utilisateurs de leurs services, alors
  29. jugée incompatible avec la Charte des droits fondamentaux de l’Union
  30. européenne en raison de l’atteinte disproportionnée qu’elle porte au
  31. droit au respect de la vie privée ainsi qu’à la protection des données
  32. personnelles.
  33. Depuis, de nombreux États membres avaient abrogé leur dispositif
  34. national de conservation généralisée des données, les jugeant
  35. incompatibles avec le droit européen. La France, dont le dispositif de
  36. conservation généralisée des données de trafic fut institué par le
  37. Parlement français dès 2001 — n’était pas de ceux-là. De même que le
  38. Royaume-Uni et la Suède, deux États dont la législation était
  39. directement mise en cause dans l’affaire tranchée aujourd’hui par la
  40. plus haute cour de l’ordre juridique de l’Union européenne.
  41. Les Exégètes amateurs en ont fait leur premier combat en [attaquant
  42. devant le Conseil d’État le décret n° 2014-1576 du 24 décembre
  43. 2014 (dit « décret LPM »)](https://exegetes.eu.org/dossiers/lpm/), suivi
  44. d’un [recours pour obtenir l’abrogation de l’ensemble du dispositif de
  45. conservation des données de connexion prévu par le droit
  46. français](https://exegetes.eu.org/dossiers/abrogationretention.html).
  47. À l’occasion de ces deux recours, les Exégètes amateurs se sont
  48. fortement appuyés sur l’arrêt *Digital Rights Ireland* de 2014 et les
  49. principes dégagés par la Cour de justice, réaffirmés avec force
  50. aujourd’hui dans la décision *Tele2*. Pourtant, le 12 février 2016,
  51. <!--Cette stratégie est en passe de devenir payante. En effet, dans l'affaire portant sur le décret 2014-1576, -->
  52. le Conseil d’État [a rejeté le premier
  53. recours](https://exegetes.eu.org/dossiers/lpm/), sans
  54. même prendre la peine de se prononcer sur la conformité du décret
  55. contesté avec le droit de l’Union (considéré inapplicable en l’espèce
  56. par le rapporteur public du Conseil d’État) — et ce, alors qu'il avait été expressément demandé au Conseil d'État de renvoyer une question préjudicielle à la Cour de justice. Contrairement aux cours suédoise et
  57. anglaise, le Conseil d’État n’a pas joué le jeu.
  58. <!--(ce refus a d'ailleurs conduit au dépôt par les Exégètes d'une requète devant la Cour européenne des droits de l'Homme, le refus de transmission d'une question préjudicielle non motivé étant contraire à la Convention européenne des droits de l'Homme). Mais l'affaire portant sur la demande d'abrogration est, elle, encore pendante. Et l'arrêt, rendu ce jour donne raison à l'ensemble des moyens développés par les Exégètes, ce qui laisse espérer que le droit français s'inscrive prochainement en conformité avec les droits fondamentaux.--><!-- n'en parlons pas pour l'instant avec cette incertitude sur la recevabilité / on fera un billet dédié / de toute façon l'info est sur la page en lien -->
  59. La décision rendue ce jour par la Cour de justice remet en cause
  60. directement le cœur de la jurisprudence du Conseil d’État sur la
  61. question de la conservation généralisée et l’accès administratif aux
  62. données de connexion de la totalité des utilisateurs de services de
  63. communications (Internet, téléphone, etc.). Les effets de cette décision
  64. sont désormais attendus dans le cadre du [second recours porté par les
  65. Exégètes amateurs, actuellement pendant devant le Conseil
  66. d’État](https://exegetes.eu.org/dossiers/abrogationretention.html).
  67. En effet, la plus haute cour de l’Union européenne se positionne contre
  68. cette logique de suspicion généralisée et énonce clairement trois
  69. principes pour la protection des droits fondamentaux.
  70. La conservation des données de connexion est soumise au respect de la Charte des droits fondamentaux
  71. -------------------------------------------------------------------------------------------------------
  72. Tout d’abord, dans son arrêt *Tele2*, la Cour confirme que la Charte des
  73. droits fondamentaux de l’UE s’applique bien à une législation nationale
  74. imposant la conservation généralisée de ces données, ainsi que l’ont
  75. déjà soutenu à plusieurs reprises les Exégètes amateurs, qui y ont
  76. consacré [des conclusions](https://exegetes.eu.org/memoire-charte/).
  77. Pour cela, la Cour a considéré que les mesures nationales imposant aux
  78. opérateurs de conserver des données de connexion entraient dans le champ
  79. d’application de la directive 2002/58 dite « ePrivacy ». Comme le
  80. constate la Cour, toute solution inverse aurait privé l’article 15,
  81. paragraphe 1, de la directive 2002/58 de tout effet utile.
  82. Pour rappel, l’article 15, paragraphe 1, de la directive 2002/58 est cet
  83. article qui, sommairement, permet aux États membres d’imposer aux
  84. opérateurs de conserver les données de connexion de leurs utilisateurs,
  85. « lorsqu’une telle limitation constitue une mesure nécessaire,
  86. appropriée et proportionnée, au sein d’une société démocratique, pour
  87. sauvegarder la sécurité nationale — c’est-à-dire la sûreté de l’État —
  88. la défense et la sécurité publique, ou assurer la prévention, la
  89. recherche, la détection et la poursuite d’infractions pénales ou
  90. d’utilisations non autorisées du système de communications
  91. électroniques ». Cet article introduit donc une dérogation à d’autres
  92. droits énoncés par la directive ePrivacy, comme le droit à la
  93. confidentialité des communications ou l’effacement des données de
  94. trafic. Mais, comme le constate la Cour, cette dérogation est autorisée
  95. à titre exceptionnel, par conséquent elle ne saurait devenir une règle
  96. de principe en droit national.
  97. La conservation des données ne peut être que l’exception et non la règle
  98. ---------------------------------------------------------------------------
  99. Ensuite, la Cour pose un principe fort d’interdiction pour les États
  100. membres d’imposer aux opérateurs la conservation généralisée des
  101. données. Il indique extrêmement clairement que l’article 15 de la
  102. directive 2002/58 « *s’oppose à une réglementation nationale prévoyant,
  103. à des fins de lutte contre la criminalité, une conservation généralisée
  104. et indifférenciée de l’ensemble des données relatives au trafic et des
  105. données de localisation de tous les abonnés et utilisateurs inscrits
  106. concernant tous les moyens de communication électronique* ».
  107. En effet, la Cour considère à juste titre que l’article 15, paragraphe 1
  108. doit être interprété de façon stricte, notamment en ce qu’il est une
  109. exception au principe de confidentialité des communications. Dès lors
  110. toute conservation des données ne saurait être que limitée. Il en va du
  111. respect des droits fondamentaux, qu’il s’agisse du droit au respect de
  112. la vie privée, de la protection des données personnelles, mais aussi de
  113. la liberté d’expression. Car, comme le constate la Cour, les données de
  114. connexion occupent une place primordiale dans notre vie quotidienne:
  115. > « *Prises dans leur ensemble, ces données sont susceptibles de
  116. > permettre de tirer des conclusions très précises concernant la vie
  117. > privée des personnes dont les données ont été conservées, telles que
  118. > les habitudes de la vie quotidienne, les lieux de séjour permanents ou
  119. > temporaires, les déplacements journaliers ou autres, les activités
  120. > exercées, les relations sociales de ces personnes et les milieux
  121. > sociaux fréquentés par celles-ci (voir, par analogie, en ce qui
  122. > concerne la directive 2006/24, arrêt Digital Rights, point 27). En
  123. > particulier, ces données fournissent les moyens d’établir, ainsi que
  124. > l’a relevé M. l’avocat général aux points 253, 254 et 257 à 259 de ses
  125. > conclusions, le profil des personnes concernées, information tout
  126. > aussi sensible, au regard du droit au respect de la vie privée, que le
  127. > contenu même des communications.* »
  128. L’atteinte alors causée par leur conservation va jusqu’à porter atteinte
  129. à la liberté d’expression :
  130. > « *L’ingérence que comporte une telle réglementation dans les droits
  131. > fondamentaux consacrés aux articles 7 et 8 de la Charte s’avère d’une
  132. > vaste ampleur et doit être considérée comme particulièrement grave. La
  133. > circonstance que la conservation des données est effectuée sans que
  134. > les utilisateurs des services de communications électroniques en
  135. > soient informés est susceptible de générer dans l’esprit des personnes
  136. > concernées le sentiment que leur vie privée fait l’objet d’une
  137. > surveillance constante (voir, par analogie, en ce qui concerne la
  138. > directive 2006/24, arrêt Digital Rights, point 37).* »
  139. >
  140. > « *Même si une telle réglementation n’autorise pas la conservation du
  141. > contenu d’une communication et, partant, n’est pas de nature à porter
  142. > atteinte au contenu essentiel desdits droits (voir, par analogie, en
  143. > ce qui concerne la directive 2006/24, arrêt Digital Rights, point 39),
  144. > la conservation des données relatives au trafic et des données de
  145. > localisation pourrait toutefois avoir une incidence sur l’utilisation
  146. > des moyens de communication électronique et, en conséquence, sur
  147. > l’exercice par les utilisateurs de ces moyens de leur liberté
  148. > d’expression, garantie à l’article 11 de la Charte.* »
  149. Corrélativement à l’établissement de ce principe de non conservation des
  150. données de connexion, la Cour définit des conditions très strictes dans
  151. lesquelles cette conservation peut être imposée aux opérateurs :
  152. Si les États membres peuvent imposer une conservation préventive des
  153. données de connexion, ce n’est qu’à des conditions très restrictives; à
  154. savoir que cette obligation de conservation ne peut être que :
  155. - ciblée,
  156. - mise en œuvre à des fins de lutte contre la criminalité grave, et
  157. - limitée au strict nécessaire en ce qui concerne les catégories de données à conserver, les moyens de communication visés, les personnes concernées ainsi que la durée de conservation retenue.
  158. <!--En effet, selon la Cour, «\ l’article 15, paragraphe 1, de la directive 2002/58/CE [...] lu à la lumière des articles 7, 8 et 11 ainsi que de l’article 52, paragraphe 1, de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une réglementation nationale prévoyant, à des fins de lutte contre la criminalité, une conservation généralisée et indifférenciée de l’ensemble des données relatives au trafic et des données de localisation de tous les abonnés et utilisateurs inscrits concernant tous les moyens de communication électronique.\ »->
  159. <!--%[Déjà dit au §23. Lequel conserve-t-on ?]-->
  160. <!-- je vois pas là tout de suite -->
  161. L’accès aux données conservées doit faire suite à une décision issue d’un contrôle préalable et indépendant
  162. --------------------------------------------------------------------------------------------------------------
  163. <!--%NON non c'est pas marqué dans l'arrêt, wtf ? C'est le contrôle qui est demandé, par l'autorisation. Et c'est pas seulement judiciaire, mais aussi admin ! HEU IL est marqué DECISION et PROCEDURE-->
  164. <!--%Le contrôle n'est pas dutout aussi fort que l'autorisation : la CNCTR fait un contrôle préalable, par
  165. exemple
  166. %Modifié
  167. la Cour dit : sauf cas d’urgence dûment justifiés, subordonné à un contrôle préalable effectué soit par une juridiction soit par une entité administrative indépendante, et que la décision de cette juridiction ou de cette entité intervienne à la suite d’une demande motivée de ces autorités présentée, notamment, dans le cadre de procédures de prévention, de détection ou de poursuites pénales
  168. -->
  169. Une fois la question de l’obligation de conservation des données réglée,
  170. la Cour répond à la question qui lui était posée sur l’accès des
  171. autorités aux données alors conservées. Une fois de plus, la Cour balaye
  172. les législations nationales telle que la législation française portant
  173. sur l’accès aux données de connexion : l’accès aux données de connexion
  174. conservées par les opérateurs ne peut se faire que suite à une
  175. décision et au contrôle préalable d’une juridiction ou autorité
  176. indépendante; ce qui n’est pas le cas en France.
  177. <!--Sur ce point on serait tenté de se contenter de se limiter à citer la conclusion de la Cour: citer suffit ;)
  178. % si, c'est carrément discutable que la CNCTR réalise bien un contrôle préalable. On défend que non, mais ce n'est pas si évident. %Donc j'ai enlevé "le absolument" dans "Ce qui n'est pas le cas en France." ci-dessus-->
  179. La Cour s'oppose donc à « l’accès des autorités nationales compétentes aux données
  180. conservées, sans limiter, dans le cadre de la lutte contre la
  181. criminalité, cet accès aux seules fins de lutte contre la criminalité
  182. grave, sans soumettre ledit accès à un contrôle préalable par une
  183. juridiction ou une autorité administrative indépendante, et sans exiger
  184. que les données en cause soient conservées sur le territoire de
  185. l’Union. »
  186. <!--%Possible ajout suite au commentaires de Oncela et LcF:
  187. Étant précisé que sur ce point l'arrêt demeure en deça de ce que les associations requérantes demandent: à savoir une décision judiciaire préalable autorisant l'accès aux données collectées.
  188. FIXME : je suis partant de pas aller dans ce niveau dé détail ci dessus, car judiciaire implique qu'on veut pas du juge administratif ; or moi tant que c'est vraiment un juge ça me va je suis pas anti administratif ; même si dans la tradition française ça devrait bien relever du juge judiciaire mais c'est une tendance lourde en France qui cherche à faire changer ça donc bon... j'irais pas dans ce débat ici perso ; restons positifs -->
  189. ***L’arrêt Tele2 est un arrêt fondamental pour la protection des
  190. libertés et de la vie privée.
  191. En cela, il devra encore être analysé dans tous ses aspects. Mais,
  192. d’ores et déjà, l’arrêt Tele2 apparaît comme faisant droit à l’ensemble
  193. des moyens développés par les Exégètes devant le Conseil d’État, depuis
  194. près de deux ans, dans le cadre de leurs multiples recours. L’arrêt
  195. Tele2 assure de manière pertinente la protection du droit au respect de
  196. la vie privée, de la protection des données personnelles et de la
  197. liberté d’expression de l’ensemble des Européens. Et il apparaît tout à
  198. fait improbable que le droit français soit maintenu en l’état. Les
  199. Exégètes vont désormais s’atteler à la rédaction d’un mémoire
  200. complémentaire, dans le cadre de [l’affaire sur l’abrogation du droit
  201. français de conservation des données de
  202. connexion](https://exegetes.eu.org/dossiers/abrogationretention.html).***
  203. ------------------------------------------------------------------------
  204. - [L’arrêt *Tele2* de la Cour de justice de l’Union
  205. européenne](http://curia.europa.eu/juris/document/document.jsf;jsessionid=9ea7d2dc30d52719d5fbc6b54cd0a9bea76fe611b947.e34KaxiLc3qMb40Rch0SaxyKbx10?text=&docid=186492&pageIndex=0&doclang=FR&mode=req&dir=&occ=first&part=1&cid=570156)
  206. <!-- -->
  207. - [Le communiqué de presse de la
  208. Cour](http://curia.europa.eu/jcms/upload/docs/application/pdf/2016-12/cp160145fr.pdf)
  209. [^1]: c’est-à-dire les métadonnées relatives aux communications
  210. électroniques, incluses dans la notion de « données de connexion »
  211. en droit français